La côte du Tohoku, huit ans après la catastrophe

Le 11 mars 2011 à 14h46, le tremblement de terre le plus élevé jamais enregistré au Japon (magnitude 9) secouait l’archipel du nord au sud. L’épicentre étant situé à une centaine de kilomètres au large des côtes du Sanriku (Nord-Ouest du Japon), s’en est suivi un tsunami dévastateur ravageant toute la côte du Tohoku,  comptant plus de 500 km² de côtes inondées (principalement les préfectures d’Iwate, de Miyagi et de Fukushima). Comme on s’en souvient toutes et tous, le raz de marée a provoqué des dérèglements de fonctionnement à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi 福島第一 menant à une explosion dans trois des réacteurs, et contaminant une partie du département de Fukushima.

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Le Manga Museum d’Ishinomaki © Camille Cosson

Enchaînement de faits climatiques et de facteurs humains, la triple catastrophe (séisme, tsunami et accident nucléaire) du 11 mars a un caractère inédit tant sur le plan du nombre de victimes que sur le plan des répercussions sur la société japonaise dans son ensemble (aussi bien au niveau politique, économique que social).

« Le modèle de la société du XXIe siècle n’est pas Tôkyô, il se trouve dans le Tôhoku, et c’est, me semble-t-il, ce que la catastrophe, à un prix cher payé, nous a appris. Car il est inconcevable que l’avenir de l’homme se trouve dans un lieu qui a perdu confiance dans la nature et dans l’humain. »

Itô Toyô, L’architecture du jour d’après (あの日からの建築), 2012

Huit ans se sont déjà écoulés depuis les événements tragiques du 11 mars. À l’heure de l’étape finale du plan de reconstruction adopté par le gouvernement, et à l’aube des Jeux Olympiques de Tokyo (2020), qu’en est-il de la reconstruction des zones sinistrées ?

Dans le cadre de ma thèse de doctorat, j’ai eu l’opportunité d’aller visiter plusieurs de ces villes en reconstruction, que je vous propose de découvrir ici. Place donc au premier billet d’un diptyque. Dans un premier temps, on vous emmène à Ishinomaki, ville lourdement touchée par le tsunami de 2011.

Dans le développement qui suit, je vous propose une découverte en deux temps, fondée sur une dichotomie urbaine palpable sur place. Nous partirons d’abord à la chasse aux personnages de mangas avec la visite du centre-ville d’Ishinomaki, avant d’aller faire un tour en bord de mer pour tâter la température de l’eau…

Face A / De la gare au musée : les manga envahissent les rues

À peine descendue du train à la station Ishinomaki, le décor est planté : les personnages de bande dessinées sont d’ores et déjà placardés sur les moindres recoins de la petite gare JR.

Passée la place centrale de la gare, et longeant le boulevard adjacent, on se retrouve directement nez à nez avec une flopée de statues grandeur nature, affiches et autres dessins placardés sur les façades des bâtiments. Partout, les personnages de fiction attirent l’attention des passants. Le mobilier urbain et les boîtes aux lettres ne sont pas épargnés par cette touche pop. Sans eux, le petit centre d’Ishinomaki ressemblerait comme deux gouttes d’eau aux autres petites villes de province japonaises, comptant un bâti bas, des rues quadrillées minutieusement, un réseau électrique aérien foutraque et des petits pots de fleur disposés ici et là devant les habitations.

Omniprésents et sous diverses formes, ces personnages semblent veiller sur la ville. En même temps qu’ils la protègent symboliquement (ce sont pour la plupart des super héros en costume), c’est grâce à eux qu’Ishinomaki se démarque et attire les visiteurs…

Face B / Le bord de mer : un territoire qui peine à se reconstruire

Quittons maintenant le centre-ville d’Ishinomaki pour nous rendre dans un quartier résidentiel du bord de mer. Anciennement “beach resort” (comme nous le rappelle amèrement Google Maps…), Watanoha 渡波 est une zone principalement résidentielle et industrielle située à dix minutes, en train, de la gare centrale d’Ishinomaki. Si elle a été complètement dévastée par le tsunami, cette partie du front de mer a depuis repris ses activités économiques, et une partie des habitations ont été reconstruites.

Côté infrastructures urbaines, routes et équipements publics sont opérationnels, quand se finissent les gros travaux d’aménagement des digues. Mis à part quelques konbini qui ont fleuri sur l’axe principal longeant la mer, on trouve encore très peu de commerces et restaurants aux alentours. D’après ce que l’on a pu observer le temps de notre séjour, les rares cantines ne sont ouvertes que le midi, sans doute orientées vers une clientèle d’ouvriers travaillant dans le coin. De ce fait, le contraste avec le centre-ville d’Ishinomaki est assez frappant. Loin des décors pop colorés du centre-ville, Watanoha peine encore à récoler les morceaux. C’est un territoire extrêmement morcelé, où le bâti et les activités sont émiettées et fragiles.

Mur anti-tsunami le long de la côte longeant le quartier de Watanoha – © Camille Cosson

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