Tokyo manga 東京・漫画 Architecture & imaginaire

La fascination occidentale pour la métropole de Tokyo a été construite par différents médias à partir des années 1970 notamment les films, les jeux vidéo, mais aussi les mangas. La question ici est de s’interroger sur l’impact du manga en France et de sa réception par le public français, ainsi que d’identifier les différentes étapes de construction de cette image fantasmée ? Comment s’est construite cette image ? Est-elle préméditée ou non ? Quels en sont les acteurs ?

Tokyo-manga-urban-landscape

Partie 1 : L’image de Tokyo publiée en France, entre mégapole fantasmée et village urbain

L’image urbaine japonaise par excellence se concentre principalement dans le centre-ville de sa capitale : Tokyo hypercentre, ses quartiers animés à toute heure, ses buildings vertigineux et son foisonnement d’enseignes lumineuses. Cette vision s’est implicitement développée dans l’imaginaire collectif du public français depuis les années 1980, notamment en raison de sa surreprésentation dans les mangas, les animés et le cinéma (occidental ou asiatique).

En effet, depuis le film Metropolis, le cinéma de science-fiction fantasme une ville du futur où des buildings vertigineux côtoient des auto­routes urbaines surélevées. Justement, en pleine période de boom écono­mique, Tokyo est alors ce qui se rapproche le plus de cette utopie. Cela lui offre dès lors le statut de vitrine architecturale et d’innovations technolo­giques, lui permettant de détrôner New York comme représentation de la métropole du futur.

Ce phénomène entraîne avec lui tout l’imaginaire urbain nippon, rendant ainsi toutes les villes de l’archipel identiques à l’hypercentre de sa capitale : autrement dit caractérisé par une densité élevée et une prolifération de gratte-ciel.

Partie 2 : Lieux communs de Tokyo, entre codes de représentations génériques et métonymie

Le centre de Tokyo est souvent représenté dans les mangas et les animés, ses quartiers les plus populaires étant reconnaissables à travers quelques lieux emblématiques fréquemment réutilisés pour situer le contexte. Les codes du manga reprennent sans relâche ces mêmes lieux, les rendant récurrents à travers les époques et les récits. Ce sont souvent des bâtiments avec une forme architecturale singulière qui deviennent alors des métonymies pour illustrer un quartier tout entier.

À l’inverse des représentations de Tokyo qui s’illustrent par des bâtiments forts aux architectures singulières, les représentations du périurbain sont au contraire des lieux génériques aux typologies semblables. La plupart des collégiens et lycéens qui vivent dans ces périphéries, arpentent les mêmes ruelles et fréquentent le même type d’établissement. La forme récurrente des bâtiments scolaires dresse une typologie pour ce genre d’architecture, toujours construite de la même manière, avec, dressé en son centre, une horloge géante résonnant du même son de cloche.

Partie 3 : Réception et interprétation des lieux Tokyoïte par le public français : quel regard sur l’urbanité japonaise ?

Dessiné à l’origine pour un public de lecteurs japonais, quelle symbolique de l’espace diffuse le manga quand il se retrouve propulsé à des milliers de kilomètres de là ? Comment cette spatialité est-elle perçue par un public ne possédant pas forcément la même culture de l’espace ? Ses codes de repré­senta­tions sont-ils compris et perçus de la même manière par un lecteur asiatique que par un lecteur français ?

La théorie des marques du linguiste Roman Jakobson présuppose une capacité des humains à percevoir les gens, les objets et les événements comme se conformant à un paradigme (un modèle, un type, un schéma, un pattern) ou s’écartant de ce paradigme. Ce qui se conforme simplement au modèle est non marqué, ce qui se démarque du modèle est marqué. Cepen­dant, ces marqueurs sont relatifs et dépendent de la perception de son propre groupe ethnique.

Ses questions de perception se retrouvent aussi dans le manga, le lecteur considérant le personnage et le décor à travers sa propre perception de la normalité et de la différence. Imaginons que nous adaptions la théorie de Jakobson à notre propos, et remplacions les marqueurs linguistiques ou faciaux par des marqueurs urbains. Ainsi, quand le public occidental ne perçoit pas de marqueurs inconnus à son environnement habituel, il n’assimile par conséquent pas l’action comme se déroulant au Japon. Dès lors, contrairement à un Japonais qui reconnaîtra facilement les lieux embléma­tiques des différents quartiers de Tokyo, un lecteur occidental ne possédant pas ces marqueurs urbains, ne sera quant à lui pas en mesure d’y voir la capitale nippone. N’ayant pas cette grille de lecture, il n’a pas les clés pour détecter ces signes, et associera de ce fait le décor comme se déroulant dans un contexte proche de lui (non marqué).

  • Pour en savoir plus :

L’ article dans sa version complète sur le site Géographie et cultures

Le billet de blog chez Pop-up Urbain

Le mémoire de master à l’origine de l’article